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Nosfell

DSC_5591-Modifier-BDEsprit d’épique !

Nosfell a mis du stoner dans son moteur et nous fait comprendre ce que veut dire  « power trio ». Son troisième disque fait du bruit, mais n’oublie à aucun moment d’être mélodieux et emballant.  Le barde de Klokochazia clôt peut-être ici une trilogie, mais n’a pas fini de nous raconter des histoires ni de nous faire vibrer.

L’elfe folk nous offre un troisième disque résolument rock (avec de grosses guitares inspirées) conçu avec l’ingé son de Queen Of The Stone Age. Et toujours accompagné de Pierre-Yves Le Bourgeois, fidèle compagnon, violoncelliste-héros au look de forgeron. Rencontre forcément mythique. On a souvent dit que « Nosfell, c’est plus que de la musique » et largement glosé sur la cosmogonie inventée par ce drôle de type tatoué à la présence stupéfiante. Le héraut des lointaines contrées de Klokochazia a su, depuis 2004, nous hypnotiser avec ses quêtes héroïques chantées dans une langue totalement inventée. Mais Nosfell, c’est surtout de la musique. Celle qui vous emmène justement dans ces contrées imaginaires et qui vous fascine même si les mythes nordiques  vous indiffèrent ou si les frères Grimm vous donnent des boutons.

Ce troisième disque s’appelle « Nosfell », en toute simplicité et il est présenté comme le dernier volet d’une trilogie. Alors après, c’est fini Nosfell ?

« Pas forcément, répond le barde, mais avec ce disque, je termine l’histoire que je veux raconter. Tous les personnages sont liés par un évènement relaté dans « Le lac aux Vélies » le livre que je sors avec Ludovic Debeurme . L’histoire est racontée dans une annexe, mais c’est le mythe fondateur qui relie tous les personnages dont j’ai décidé de parler dès le premier album. » Du point de vue de l’histoire, on boucle une boucle… « Je finis un cycle sur disque. Peut-être que je reparlerai de ces personnages en exploitant un autre médium.» Et c’est déjà ce qui se passe avec la sortie conjointe du disque, d’un livre-BD-disque et d’un spectacle orchestral joué fin juin à la salle Pleyel à Paris. L’objet livre permet d’offrir plus d’éléments à ceux qui sont intéressés par l’univers mythologique créé par Nosfell. « Je peux davantage expliquer la psychologie des personnages et être moins dans la forme onirique que revêtent les chansons. » Car le fin du fin est là : amis lecteurs, si vous ne comprenez rien aux chansons de Nosfell, qu’il chante en Klokobetz, en anglais ou en français, c’est normal : « Mes morceaux ne parlent pas de l’histoire en elle-même. Elles racontent les émotions des personnages qui la vive. C’est un travail sur les sensations. » On assiste donc aux tourments intérieurs des héros qui font échos aux nôtres. Quel que soit le monde dont on parle, les émotions sont universelles. Et tant mieux car la poésie onirique dégagée par ces textes émotionnels permet au tandem Nosfell-Le Bourgeois d’être accueilli de la même manière dans l’espace francophone, anglophone ou asiatique. Tout le monde peut s’approprier ses morceaux barrés et se refaire son mythe. Les contes en eux-mêmes sont racontés via le livre ou sur scène : « Les morceaux des trois disques ne sont pas non plus dans l’ordre de l’histoire. Les aventures que l’on raconte nous permettent avant tout de faire de la musique, prévient Nosfell. Cette dynamique est très importante car nous ne voulons pas limiter notre discours à notre hommage aux contes ni nous priver d’autres influences.» Contrairement à d’autres, il ne cherche pas à fédérer son public autour d’un drapeau, d’une culture ou d’un langage.  Ce rappel à l’ordre est salutaire car on oublie trop souvent de parler de la musicalité de ce duo d’artistes contemporains qui fabrique du beau. Et dans le même temps, Nosfell et Pierre font vraiment « avancer » la musique contemporaine en inventant un folklore radical et singulier à base de guitares saturées, de violoncelle extatique, de batteries héroïques et de voix hallucinées. Car Nosfell joue plus que jamais avec les décalages graves / aigus et laisse sa voix magique irradier chacun de ces quatorze morceaux teintés de surréalisme et de merveilleux.

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« Nosfell », l’album, se place dans la continuité musicale des deux premiers. On évolue dans un univers de plus en plus électrique et puissant. « Cela reflète l’intensité et l’énergie qui se dégage de nos concerts, développe Pierre. En live, nous sommes beaucoup plus épiques. Nos morceaux deviennent des fresques. Je pense que nous étions assez mûrs musicalement pour retranscrire ça sur la galette. »

Nosfell poursuit : « Nous avons voulu aller plus directement à l’oreille du public et développer l’aspect romantique de notre musique. » Cette énergie sonore est renforcée par l’arrivée en studio d’un troisième larron,  le batteur Orkhan Murat, qui a amené une touche de sauvagerie policée aux bouts de ses baguettes. Et les compagnons n’ont pas fait les choses à moitié en allant enregistrer ladite galette chez Alain Johannes de Queen Of The Stone Age, groupe stoner estampillé velu et adepte d’un psychédélisme plaisamment étourdissant. Voilà pourquoi sur le morceau « Bargain Dealer », on entend la voix de Josh Hommes, leader des QOTStA et membre des Eagles Of Death Metal ainsi que celle de Brody Dalle, chanteuse de The Distillers. Un drôle de casting pour une drôle de chanson : « Les deux personnages reviennent mutilés d’un voyage. Ils étaient dans un pays où l’on coupe les mains des voleurs pour les donner à ceux qui n’ont pas de mains. »

Vous avez dit gothique ?

« En fait, j’explique que personne ne prend en compte l’autre. Je mets toujours beaucoup de moi dans mes morceaux, mais j’éprouve toujours le besoin de le crypter. » Hé oui, le grand gaillard au crâne rasé est un homme remarquablement pudique. Il a transformé son imaginaire, avec ses fantasmes et ses douleurs en émotions musicales pures. « Je pense mes chansons comme des tableaux, décrypte-t-il. Les images sont plus fortes que le concept. Si l’on décrit trop une scène, on perd la sensation qu’elle procure. » Alors on se gardera bien de trop décrypter son rock poétique de peur d’en vider la substantifique moelle. Et de peur, surtout, de ne pas vous donner envie de vous plonger dans la troisième partie de ses aventures musicales extraordinaires.

Eric Nahon

Photos Raphaël Lugassy

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